Je me permets une autocitation datant de la Bande son de mai : "Bon, comme depuis quelques mois je présente des albums pas trop bourrins, le mois prochain, je me lâcherais !". Aussitôt dit, ausitôt fait : on va envoyer du bois avec l'un de mes groupes favoris, les barbares suédois de Meshuggah.
Meshuggah en 1995
Groupe de metal extrême, expérimental et progressif, ce sont LES précurseurs du djent, mouvement que j'ai évoqué à plusieurs reprises cette saison. Cependant, l'album présent à la médiathèque, Destroy Erase Improve, datant de 1995, et un peu l'avant-djent, puisque ce son apparaitra surtout sur l'album Nothing en 2002.
Jaquette de Destroy Erase Improve
En attendant, on a affaire ici à un gros morceau de viande à la sauce death/thrash technique, avec une production massive et mécanique, collant parfaitement au genre et rappelant un album sorti la même année : Demanufacture des mythiques cyber metalleux de Fear Factory. Les guitares sont lourdes comme dix enclumes (j'l'avais pas déjà utilisée, cette expression ?...) puisqu'elles possèdent sept cordes sous-accordées et un bon gros son. La basse (à cinq cordes, s'il vous plaît) possède aussi un sacré gain, distillant un son un chouilla saturé (overdrivé, pour les connaisseurs) qui donne de la grosseur et de l'amplitude. Le batteur (comme les guitaristes, d'ailleurs) est un vrai virtuose : on a l'impression d'entendre une machine pouvant jouer n'importe quelle partition tellement il est doué. Le chant est criard et hardcore. C'est bien simple, on ne trouve dans toute la discographie de Meshuggah qu'un seul morceau en voix claire (et encore, bourrée d'effets). Le chant est donc un hurleur confirmé, se lançant dans des envolées torturées et typiquement thrash. Les textes (point que j'évoque rarement dans mes chroniques) valent leur pesant de cacahuètes : toujours aussi abstraits, complexes, psychés, froids et déshumanisés. Ce genre de paroles ne se trouve définitivement nulle part ailleurs. Le tout se met au service de compos exigentes qui, bien qu'elles alternent les passages à tempos modérés et rapides, sont toujours très groovy et très rythmiques. On note également d'autres segments plus mélodiques, voire calmes, avec des solos rappelant le jazz fusion ou le free jazz, notamment dans la pièce Acrid Placidity, n'étant constitué que d'un solo avec une guitare au son clair comme accompagnement. En bref, un album technique, complexe et chirurgical, qui mérite qu'on y jette une oreille pour la virtuosité des musiciens.
J'ai beau garder l'étiquette habituelle pour cette chronique, l'album dont je vais parler ici n'est pas vraiment un album de metal, tout du moins, pas comme on l'entend. Et il s'agit d'une nouveauté à la médiathèque : Wildlife du groupe La Dispute, qui n'est pas un groupe français comme on pourrait le penser (il s'inspire néanmoins de la pièce de Marvaux...) !
Jaquette de Wildlife
Ici, on a affaire à un groupe mélant post-hardcore, screamo, et spoken word, et autant vous dire que cet album est particulièrement difficile à chroniquer. En effet, et c'est un paradoxe, il est à la fois homogène et hétérogène : homogène dans la base des compos, et hétérogène dans la variété des morceaux. Explications...
D'abord, la production est parfaite pour le genre avec un son gras, naturel, et pourtant précis. Les grattes sonnent typiquement post-hardcore et envoient des riffs qui, quoique un peu classiques pour le style, restent originaux et inventifs. La batterie est bien rock et envoie du bois. La performance n'est pas forcément très technique, mais elle se suffit à elle-même et est très efficace. Vient ensuite deux pièces maîtresses du groupe qui font qu'il est unique en son genre : la voix et les textes. Tout d'abord, le chanteur est vraiment inimitable, puisqu'il ne sait pas vraiment contrôler sa voix, alternant entre un chant hurlé et torturé lors de passages musclés et un chant parlé typique du spoken word (sans blague !) dans les passages un peu plus calmes. Un autre point remarquable reste les textes : je n'ai pas tellement l'habitude de les évoquer dans mes chroniques, mais ils font ici partie intégrante de la musique de La Dispute. Littéraires et poétiques : c'est ainsi qu'on peut les décrire. Chacun semble évoquer une petite histoire différente entre chaque morceau. En bref, un groupe unique en son genre mélangeant habilement les sonorités hardcores, progressives et poétiques.
Synopsis : Plaquée par son petit
ami, Pauline se laisse entraîner par sa sœur dans un palace de la
riviera italienne. Au lieu de savourer les joies du farniente, cette
journaliste pour revue d'enquêtes criminelles se persuade qu’un
crime a été commis dans l’hôtel et s’improvise détective,
embarquant dans ses investigations un séduisant maître-nageur…
Pauline détective, c'est avant tout
une ambiance, celle des palaces, de la riviera italienne, du glamour.
C'est aussi un parti pris intéressant, celui de choisir des
dialogues (superbement écrits) loin du langage courant
habituellement employés dans ce genre de films. Ce choix assez
dangereux se révèle excellent quand on a en face une Sandrine
Kiberlain au sommet de sa forme, dans un registre comique dans lequel
elle excelle et qui rend le personnage de Pauline aussi agaçant
qu'attachant.
Voilà en gros ce qui caractérise la
réussite de cette comédie française : de bons acteurs (avec
aussi Audrey Lamy et Claudio Santamaria) bien dirigés, des
personnages travaillés et crédibles et une ambiance qui nous donne
envie d'aller s'assurer qu'ailleurs, l'herbe est plus verte.
Synopsis : Un documentaire
exceptionnel divisé en 15 parties retraçant l'intégralité de
l'histoire du cinéma : de l'entrée en gare de la Ciotat à
Inception. 15 heures de programmes, ponctuées de milliers d'extraits
de film, de toutes les périodes et de tous les coins du monde (désolée, bande-annonce en anglais uniquement)
Mark Cousins, réalisateur irlandais, a
eu l'idée assez effrayante, en retraçant l'histoire du cinéma,
d'en analyser les évolutions, qu'elles soient techniques ou
idéologiques. Pour ce faire, il interview des dizaines de
réalisateurs, de Gus Van Sant à Lars Von Trier et les amène à
s'exprimer à la fois sur leur travail et sur celui des grandes
figures disparues du cinéma.
Le prodige de Cousins est de réussir,
à travers 15 heures de film, à nous apprendre plein de choses
intéressantes sur le cinéma sans jamais être plombant, même
lorsqu'il s'agit de technique, bien au contraire : c'est dans
ces moments-là que, comme par magie, il nous fait pénétrer dans
l'esprit d'un réalisateur du début du XXème, faisant la découverte
du montage.
Un documentaire à mettre entre toutes
les mains, des cinéphiles aspirants réalisateurs aux simples
amoureux du 7ème art. Et bien entendu, bientôt à la médiathèque. Sinon je vous en parlerais pas...
Difficile de rester mesuré quand il faut parler de la bande flamboyante à Newcombe.
The Brian Jonestown Massacre Aufheben
The Brian Jonestown Massacre, c'est avant tout la personnalité atypique de son leader : Anton Newcombe. Génie mégalo, sûr de son talent et arrogant en conséquence. S'il échappe, par miracle, à l'étiquette d'insupportable et ingérable rockstar tête à claque c'est par la grâce d'une productivité dingue (11 albums studio, des ep, des lives, …) et une intégrité sans faille à une certaine idée du rock.
Le son des BJM oscille entre rock psyché, shoegaze, folk et rock expérimental. La constante de tous ses albums, c'est la recherche de nouvelles sonorités mêlée à une fidélité (non revendiquée bien sûr) à l'esprit musical des sixties. Newcombe, multi-instrumentiste et seul vrai compositeur du groupe est aussi à l'aise dans la composition de mélodies efficaces que dans l'élaboration d'audacieuses pièces psychédéliques, avouons-le, parfois difficiles à suivre.
Si les albums précédents laissaient la part belle à l'expérimentation tout azimut, le dernier, Aufheben, renoue avec une structure plus traditionnelle. Conçu pour être envoyé dans l'espace en hommage à la fin du monde avortée des mayas, on se prend à rêver en imaginant la réaction des petits hommes verts à l'écoute de cet album génial et inclassable.
Après l'hystérie et les excès du début de leur carrière, les BJM semblent avoir atteint une certaine sérénité et un rythme qui, s'il n'est pas tout à fait banal et routinier, est au moins viable pour ses membres. Longue vie aux BJM !
Waking up to hand grenades
Le clip sympa qui fait mal à la tête, réalisé par Newcombe himself.
Pour en savoir un peu plus sur le groupe, foncez sur l'excellent documentaire Dig réalisé par Ondi Timoner, sorti en 2004. Dig suit pendant 7 ans les tribulations de 2 groupes de
rock indé (BJM et les Dandy Warhols) tout d'abord unis par la même volonté de secouer
l'industrie du disque et un semblable esprit de révolte jusqu'à ce
que leurs choix artistiques réciproques ne les éloignent sans
retour possible.
à l'occasion d'un medgames, nous avons fait un spécial musique avec une playlist concoctée par mes soins. L'idée étant de montrer un panel musical dans le domaine du jeu-vidéo. Ainsi, il y a des jeux cultes, récents comme plus anciens avec des musiques emblématiques.
J'espère que la sélection vous plaira.
Vous connaissez probablement Facebook, réseau social par excellence où toute une vie peut-être étalée à la vue de tous. Bien qu'il y ait des moyens pour rendre un peu moins publique sa vie privée, ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver, en particulier quand le dit réseau social n'est pas totalement limpide sur les conséquences du manque de confidentialité de son interface. Extremely Decent, des humoristes américains, a transposé une mise à jour de Facebook dans la "vraie" vie. C'est drôle, décalé et malheureusement édifiant.
Poliça
c'est 4 membres : channy leaneagh, chris bierdan, ben ivascu, drew
christopherson. C'est aussi leur premier album et c'est un groupe
dont les membres ne se connaissaient pas il y a un an. En fait ce groupe
est surtout issu du travail de la chanteuse et du producteur Ryan
Olson, figure emblématique de la scène de Minneapolis d'où est
également originaire le groupe. Ryan Olson est aussi bien connu pour sa musique que pour sa personnalité excentrique. Par exemple, il refuse d'être interviewé avec sa voix originale, il veut que celle-ci soit transformée.
La chanteuse était dans un groupe
précédent en compagnie de son ex mari. Leur relation battant de
l'aile, la chanteuse décide de rompre son marriage. C'est peu de
temps après que Ryan Olson lui demande d'écrire un album et de
l'enregistrer. L'album se compose très rapidement et l'enregistrement
se fait dans la foulée. La chanteuse dit de l'écriture qu'il s'agit
d'une écriture automatique et inconsciente. Pour la petite anecdote,
l'album est enregistré principalement la nuit, la chanteuse avait
des émotions qui s'exprimaient pleinement dans ces moments là. Par ailleurs, bien que sa voix soit sublime, elle décide de l'auto-tuné, ce qui donne une atmosphère bien particulière aux morceaux.
Une
fois l'album enregistré, Ryan Olson choisit les musiciens parmi la
scène locale. Il ne voulait pas de guitariste (seulement un
bassiste) car il considérait qu'un guitariste était juste superflu
et inintéressant. Ainsi les membres du groupe ne se connaissaient
pas avant les concerts. Mais la fusion a tout de même opéré pour le fabuleux
resultat que nous avons.
L'album
sort le jour de la saint-valentin et devient tout de suite une
référence pour les Inrocks et le Rolling Stones, d'ailleurs
celui-ci le considère comme le meilleur album jamais entendu. Quant
aux Inrocks, ils écrivent que l'album est "Spectral et
envoutant, il invite à une plongée en apnée
dans un océan de new
wave, funk,
électro,
prog
rock, etc. Un premier album majeur luminescent, charnel et
cicatriciel. Le quatuor aux deux batteurs de Minneapolis a pour lui
une voix à la sensibilité fascinante, et la personnalité frappante
de Channy Leaneagh ".
L'album
se compose de 11 titres et chaque titre fait en moyenne 4 à 5 min.
Une claque comme celle là, on n'en avait pas reçue depuis 2001, l'album gonflé aux hormones et à la West coast de Dr Dre entouré de ses fidèles à leur meilleur niveau. Cette fois, le garçon est seul (ou presque), il vient de Compton, quartier défavorisé de LA et bien qu'épaulé par ce vieux renard de Dre à la production, il vient faire souffler un vent de fraîcheur sur le game.
En 2011, il confirme tout le bien que le milieu du hip-hop pensait de lui en sortant son 1er album studio : Section.80. En 2012, il sort du système indépendant, Good kid, m.a.a.d city sortira chez Interscope Records. A ceux qui craignaient un virage commercial, crainte légitime avec les présences, entre autres, de Drake et Dre (Lady Gaga était même prévue en featuring sur le tubesque Bitch dont kill my vibe), Lamar répond par un concept album ambitieux : Good kid, m.a.a.d city, a short film by Kendrick Lamar. La prise de risque est d'autant plus louable que le milieu du rap est plutôt réputé pour sa frilosité, c'est dire si l'artiste et ses producteurs avaient confiance en leurs forces.
Et le résultat leur donne raison, un album de plus d'une heure, rare et long pour un album de rap, où l'intensité ne tombe pas une seconde malgré les nombreuses interludes et les grands écarts stylistiques qui sont la marque de fabrique de l'artiste. En un tour de main, Lamar passe d'un gros son West Coast à un morceau plus introspectif au style plus à l'est. Son flow technique s'adapte à tous les genres, il pousse la chansonnette, rappe comme une mitraillette, s'aventure dans les aigus ou descend sans problème dans les graves. Lamar ne s'embarasse pas, il passe partout où il veut et il a soif de découvertes sonores. Pendant cet album, il condense sa vie de rappeur de 25 ans, de la violence du quartier aux vertiges du succès en passant par la mort de ses proches, ses addictions ou encore sa spiritualité. Lamar est connecté à son époque, il en écrit les maux et en signe la bande-son comme 2001 l'avait fait en son temps.
Un disque complet et maîtrisé de bout en bout, qui confirme, si besoin était, la vitalité du rap West coast aux frontières de plus en plus mouvantes.
Swimming Pools (Drank)
Backseat Freestyle (Explicit)
Désolé pour l'image violemment rétrograde de l'arrière-train de Sherane en mouvement, mais Backseat freestyle est Le tube hip hop absolu, monstrueusement efficace, à faire passer
Niggas in Paris pour Le petit bonhomme en mousse.